Panorma, 02 octobre 2009
di Enzo Bianchi
Je te le confesse, si j'aime tant ce Père de l'Église, c'est aussi parce qu'il assigne à l'Écriture ce réel primat, qu’elle revendique et qui lui revient dans la vie chrétienne.
Cher Jean,
Ta lettre m'est bien parvenue et je t'en remercie. Je voudrais aujourd'hui répondre à la question que tu m'y poses concernant Basile de Césarée. Ainsi, plutôt que de te présenter un autre Père, je te propose de revenir encore vers celui que j'ai abordé avec toi dans mon dernier courrier: mon cher grand Cappadocien mérite bien une deuxième lettre de ma part!
Que signifie « se conformer avec pleine certitude à ce qui est signifié dans les paroles de l'Écriture », me demandes-tu? Cette expression de Basile le Grand, que je te citais, indique l'importance que tient la Bible dans l'existence chrétienne de tout baptisé. Pour Basile, les Écritures doivent constituer la norme de vie et le critère de jugement pour chacun: s'y conformer est le propre du croyant. Tu te souviens que, lorsque je t'expliquais le mois dernier la dimension centrale de la « communion » pour Basile, je soulignais déjà combien, selon ce Père du IVe siècle, la Bible façonne tant la relation du chrétien avec son Seigneur que la communion des croyants entre eux. Oui, la Parole de Dieu demeure la suprême autorité dans l'Église: chaque chrétien doit se placer en face d'elle comme un simple serviteur, pour chercher toujours à la mettre en pratique. Voilà ce que signifie l'expression que tu me demande de commenter.
Mais il faut aller plus loin. Car Basile, lorsqu'il interprète les Écritures pour ses frères, puis les fidèles de son diocèse de Césarée en Cappadoce (actuelle Turquie), les aborde avec une extrême rigueur.
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Une grande radicalité marque tout d'abord son rapport à la Bible. Selon lui, toute parole et toute action du chrétien doit être confirmée par l'Écriture. Ce n'est qu'en s'appuyant sur les textes inspirés, « sortant de la bouche même de Dieu » – comme il l'affirme –, que l'on peut agir conformément à la volonté de Dieu. Même lorsqu'elle semble peu raisonnable ou incompréhensible, l'Écriture doit demeurer l'unique règle à laquelle prêter obéissance… Basile écrit: « Le propre de la foi est une certitude pleine et indubitable de la vérité des paroles inspirées par Dieu ».
D'ailleurs, il est significatif que parmi les différentes directives que Basile élabore à l'intention de ses moines, il ne donne le nom de « règles » qu'à un recueil de citations de l'Écriture, rassemblées afin de servir de norme pour le comportement des frères. Il puisera lui-même continuellement à ce travail, montrant qu'il veut toujours revenir à l'autorité de la Parole pour interpréter et résoudre tout nouveau problème qui se pose.
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Lorsqu'il observe des maux dans la vie de l'Église de son temps, des divisions et des discordes, Basile en discerne la cause dans le manque d'obéissance à la Parole de Dieu. Une Église qui ignore l'Écriture se soumet inévitablement à ce que Basile nomme « les traditions humaines ». Il s'en prend ainsi à « la perverse tradition des hommes qui enseigne à éviter certains péchés et en admet d'autres avec indifférence ». Basile dénonce une fausse connaissance de Dieu, une méprise sur sa miséricorde, qui naît de l'oubli des Écritures : « Dieu est bon, mais il est juste aussi. Dieu est miséricordieux, oui, mais il juge. Ne nous faisons donc pas de Dieu une idée tronquée et ne cherchons pas dans sa bonté un prétexte à la négligence! »
Pour lui, celui qui exerce une autorité dans l'Église doit apparaître avant tout comme l'interprète de l'Écriture, qui discerne la volonté de Dieu en demeurant fidèle à sa Parole. C'est ce que lui-même a toujours cherché à faire en évitant de « réduire à des paroles humaines les paroles de la foi et en n'ayant pas la témérité de transmettre dans son enseignement des choses nées de son propre esprit ». Je te le confesse, si j'aime tant ce Père de l'Église, c'est aussi parce qu'il assigne à l'Écriture ce réel primat, qu’elle revendique et qui lui revient dans la vie chrétienne.
ton ami Enzo