Panorama, 02 mars 2010
di Enzo Bianchi
Les clés de l’Écriture, dit Origène, se trouvent à l’intérieur de l’Écriture elle-même: la Bible ne peut s’expliquer que par la Bible elle-même.
Cher Jean,
« Comment faut-il interpréter l’Écriture ? », me demandes-tu. Pour te répondre, je veux suivre l’enseignement d’un maître du nom d’Origène, qui a vécu au troisième siècle après Jésus Christ et dont la pensée a conservé une importance considérable jusqu’à aujourd’hui.
Origène est né vers 185 à Alexandrie d’Égypte. Alors qu’il exerçait l’activité profane de philosophe, il reçut la responsabilité de la fameuse école de catéchèse d’Alexandrie. Il y sacrifia tout durant de nombreuses années. Mais à la suite de différends, en 231, il s’établit à Césarée, en Palestine, où il poursuivit son activité d’enseignement et rédigea encore de nombreux traités bibliques, jusqu’à sa mort en 254, des suites de tortures subies au cours des persécutions contre les chrétiens.
Pour en venir à ta question, voici tout d’abord une image que te donne Origène : « L’ensemble de l’Écriture ressemble à un grand nombre de pièces fermées à clé, dans une unique maison. Auprès de chaque pièce est posée une clé, mais ce n’est pas celle qui lui correspond. Ainsi les clés sont dispersées auprès des pièces, aucune ne correspondant à la pièce près de laquelle elle est posée. C’est un très grand travail de trouver les clés et de les faire correspondre aux pièces qu’elles peuvent ouvrir. Pour comprendre les textes des Écritures, il nous faut mettre les clés de la compréhension les unes auprès des autres, puisqu’elles ont leur principe d’interprétation dispersé parmi elles. » Ce texte énonce le fondement, l’élément porteur de toute lecture spirituelle de la Bible: l’Écriture s’interprète par l’Écriture.
Qu’est-ce que cela signifie ? Les clés de l’Écriture, dit Origène, se trouvent à l’intérieur de l’Écriture elle-même : les textes de la Bible ne peuvent s’expliquer que par d’autres textes de la Bible. Comme nous ne trouvons pas toujours la compréhension dans le passage que nous lisons, il faut, bien souvent, pour saisir un texte, nous appuyer sur des éléments transmis par d’autres récits bibliques. Malgré sa grande diversité, la Bible nous apparaît ainsi comme une livre unique, dans lequel nous pouvons puiser l’aliment nécessaire à notre vie chrétienne.
Lorsque tu te trouves devant un texte que tu ne comprends pas, Origène t’invite à une attitude primordiale, celle de la foi : croire en Celui qui te parle à travers l’Écriture : « S’il t’arrive, en lisant l’Écriture, de buter sur une pensée qui t’apparaît comme une pierre d’achoppement et un rocher qui fait buter, ne perds pas l’espoir ; cette pierre d’achoppement peut confirmer la parole: “Celui qui a la foi ne sera pas couvert de honte” (Rm 9,33). Donc : crois d’abord et tu découvriras, sous ce que tu pensais être un obstacle, un grand bénéfice ! » Lorsque le lecteur met sa confiance dans le Dieu qui s’adresse à lui dans la Bible, les textes qui scandalisent et ceux qui semblent trop ardus se transforment en révélation ; et de la foi jaillit ensuite l’action de grâce...
Quelle doit donc être la qualité du lecteur de la Bible ? Pour Origène, ce doit être « un homme de désirs et non de contestations », c’est-à-dire une personne qui souhaite vraiment connaître le Seigneur pour adhérer à lui, l’aimer et accomplir sa volonté. Dans cette optique, l’interprétation de l’Écriture se présente toujours comme une rencontre de désirs : le désir de Dieu, qui vient constamment à la rencontre de l’homme, et le désir de l’homme qui est sans cesse appelé à se mettre à la recherche de son Seigneur.
C’est pourquoi Origène te donne encore ce conseil : « Applique-toi à la lecture des Écritures. Car nous avons besoin de beaucoup d’application lorsque nous les lisons. En t’appliquant à les lire avec une confiance inébranlable en Dieu et avec l’intention de lui plaire, frappe à la porte, et il te sera ouvert. Mais ne te contente toutefois pas de frapper et de chercher, car il est absolument nécessaire aussi de prier pour comprendre les choses divines. »
Ton ami Enzo