Panorama, 03 novembre 2012
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di Enzo Bianchi
Assumer le mystère de l’Église et le vivre au quotidien ne va pas de soi, mais constitue bien plutôt un exercice d’amour qui souvent coûte beaucoup.
Lorsqu’on dialogue avec des non-croyants, on est souvent confronté à des personnes qui disent être disposées à croire en Dieu, à mettre leur confiance en Jésus Christ, mais à ne pas vouloir entendre parler de l’Église. La spiritualité, oui, l’institution, non : voilà leur mot d’ordre, qu’ont repris à leur compte certains chrétiens également. Au point que dans les années récentes, un grand nombre de ces derniers en semble même venu à ressentir l’Église comme ennemie, comme un obstacle à la transmission de l’Évangile. Comment comprendre ce phénomène ?
En réalité l’Église ne peut être absente de la foi du chrétien, car on ne peut être croyant solitaire. Lorsqu’on dit « je crois », on confesse sa foi certes personnellement, mais en communion avec d’autres. En effet, sans ceux qui nous ont transmis la foi on n’aurait pas pu devenir croyant. L’Église n’est autre que le corps de ceux qui, appelés par le Christ, forment sa communauté dans l’histoire.
Toutefois, il faut dire qu’assumer le mystère de l’Église et le vivre au quotidien ne va pas de soi, mais constitue bien plutôt un exercice d’amour qui souvent coûte beaucoup. Oui, il y a des personnes qui aiment l’Église parce qu’elles y trouvent leur avantage, mais ne savent pas ce qu’est le véritable amour pour l’Église. Aimer l’Église signifie, parfois, souffrir pour elle, désirer qu’elle soit plus fidèle, davantage conforme à l’Évangile de Jésus Christ. Animés de cet amour, bien des chrétiens ont osé des paroles prophétiques, pour faire résonner la Parole de Dieu et ses exigences au sein de l’Église même. Certains ont parfois dû en pâtir…
Il y a des moments où la souffrance en raison des travers de certains représentants de l’Église, ou plus simplement face aux peurs, aux lâchetés, aux compromis, à la paresse qui se rencontrent dans l’institution, se fait plus forte : alors vient la tentation du cynisme, celle de ne plus croire en un printemps possible. C’est l’heure de la tentation ; mais c’est à ce moment qu’il s’agit de croire plus que jamais à la fidélité du Christ à son Église. Il s’agit d’aimer cette communauté, qui est le corps même du Christ, même lorsqu’y apparaissent les signes du péché, comme l’a fait Jésus avec la communauté de ses disciples.
Il convient aussi de se considérer soi-même, en reconnaissant ses propres trahisons, ses propres péchés, en percevant que l’on n’est guère meilleur. Si l’Église est une communion de saints, elle est aussi une solidarité de pécheurs ; et dans l’erreur, on peut sentir une proximité : on découvre alors que la véritable différence se trouve entre les pécheurs manifestes et les pécheurs cachés, entre ceux qui se repentent de leurs péchés et ceux qui les nient, en les rejetant sur les autres. Mais aux yeux de Dieu, la réalité apparaît selon la même lumière. Aux croyants d’acquérir ce regard, pour percevoir de manière évangélique même les moments les plus pénibles de leur appartenance vitale à ce corps qu’est l’Église.