Il Blog di Enzo Bianchi

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​Fondatore della comunità di Bose

Irénée de Lyon: Transmets ce que tu as reçu

01/02/2010 23:00

ENZO BIANCHI

Riviste 2010,

Irénée de Lyon: Transmets ce que tu as reçu

Panorama

Panorama, 02 février 2010

 

di Enzo Bianchi

Deviens un homme vivant, et c’est alors que tu sauras transmettre à travers l’authenticité de ta propre personne, la foi qui t’as mis debout.

Cher Jean,

Savais-tu qu’au IIe siècle après Jésus-Christ l’évêque de Lyon provenait de l’actuelle Turquie, et que sa langue maternelle était le grec ? Cet évêque venu d’Orient portait le nom d’Irénée. Il était né vers l’an 135 à Smyrne (l’actuelle Izmir). Là il avait suivi l’enseignement du vieux Polycarpe, lui-même disciple de l’apôtre saint Jean. Ainsi, dès sa jeunesse, Irénée s’est formé à la source de la grande tradition – qui, à travers Polycarpe et Jean, remonte jusqu’à Jésus en personne  – qu’il sera lui aussi très attentif à transmettre plus tard avec une extrême précision.

Sa biographie est peu détaillée, mais en 177 on le retrouve prêtre à Lyon, d’où il entretient des relations importantes avec Rome et avec le pape. Il succédera comme évêque de Lyon à saint Plotin, mort martyr en prison à l’âge de 90 ans. En raison de son origine d’Asie mineure, Irénée sut calmer certains conflits avec les chrétiens d’Orient, à la fin du deuxième siècle, ce qui lui valut l’appellatif de « pacifique » (ce que signifie d’ailleurs déjà son nom en grec). Les informations concernant sa mort sont floues, mais il est possible qu’il ait été martyrisé au cours d’une persécution contre les chrétiens vers l’an 202.

 

Irénée, cet homme d’Église asiatique expatrié en Gaule, qui se place ainsi à la confluence entre l’Orient et l’Occident, chercha toute sa vie à transmettre la foi qu’il avait lui-même reçue, en prenant appui sur l’Écriture. « Il faut aimer avec un très grand zèle ce qui appartient à l’Église, dans laquelle les apôtres ont amassé un riche trésor, et saisir la tradition de la vérité », a-t-il écrit dans son œuvre principale, Contre les hérésies, où il défend ce qu’il appelle « la vraie connaissance, qui est la doctrine des apôtres ».

Mais demeurer, avec humilité et fermeté, un témoin de la foi reçue, c’est-à-dire transmettre avant tout la bonne nouvelle de l’Évangile, cela signifie en premier lieu être soi-même évangélisé. En effet, selon saint Irénée, « mieux vaut être ignorant et peu savant mais être plus proche de Dieu par l’amour que de se croire intelligent et expert, tout en péchant contre le Seigneur ».

Car s’il est vrai que l’évangélisation s’adresse à tous, et que personne ne peut en être exclu, parce que la mission de l’Église est universelle (voir Mt 28,19-20), il est tout aussi vrai que cette évangélisation doit aussi d’adresser à l’Église elle-même : non seulement pour qu’elle s’écarte des erreurs qui « semblent parfois plus vraies que la vérité même », mais surtout pour qu’elle « se nourrisse continuellement de la parole du Seigneur ».

 

Cet enseignement, crois-moi, vaut aujourd’hui encore : oui, parmi les destinataires de l’évangélisation, il s’agit également de compter les chrétiens eux-mêmes, qui doivent dépasser l’enseignement initial sur le Christ pour faire mûrir leur foi. Pense notamment aux « chrétiens par intermittence », qui vivent leur foi non pas selon le rythme hebdomadaire des dimanches, mais en participant seulement aux grands événements ecclésiaux, ou aux « chrétiens recommençants », qui s’étaient éloignés de la foi reçue et veulent en redécouvrir les racines à l’âge adulte ; mais n’oublie pas non plus les chrétiens « pratiquants » ou « engagés », qui connaissent le risque plus subtil de vouloir annoncer un Évangile qu’ils ne vivent pas dans leur propre personne… Tu le comprends, seule une Église évangélisée, constamment tournée vers le Seigneur, peut évangéliser à son tour !

« La vie de l’homme c’est de voir Dieu », a écrit saint Irénée. Plus encore : la vocation de l’homme, c’est de devenir Dieu… « Mais comment pourras-tu être Dieu, si tu n’es pas même encore homme ? », demande l’évêque de Lyon. Deviens donc un homme vivant, et c’est alors que tu sauras transmettre à travers l’authenticité de ta propre personne, la foi qui t’as mis debout !

Ton ami Enzo