Panorama, 03 juin 2010
di Enzo Bianchi
Inutile de spéculer sur l'Esprit saint, puisqu’il attend au contraire qu’on l’invoque et qu’on le laisse agir en chacun de nous.
Cher Jean,
La foi est un don, tu le sais bien. Ce don nous est mystérieusement et gratuitement transmis par le Saint-Esprit : la fête de Pentecôte que l’Église vient de célébrer nous l’a encore rappelé. Mais pour que le don de l’Esprit puisse être accueilli par une personne et se développer en elle, il faut aussi qu’elle reçoive un enseignement d’un croyant plus mûr. C’est à cette tâche que s’est employé durant une bonne partie de son ministère Cyrille de Jérusalem, qui a été évêque de cette ville durant la seconde moitié du IVe siècle.
Cyrille tenait les Catéchèses qui ont fait sa célébrité dans la basilique de Jérusalem bâtie sur le lieu du tombeau vide du Christ : la foi dans la mort et la résurrection est alors au centre de son enseignement. Mais il insiste pour que cette croyance devienne vie et relation avec le Seigneur, plutôt que de se transformer en spéculation : « Pour notre salut, il nous suffit de savoir qu’il y a un Père, un Fils et un Esprit saint », déclarait-il. Et c’est avant tout dans la liturgie que l’Esprit saint donne de faire l’expérience communautaire de Dieu : « Après nous être sanctifiés par des chants spirituels, nous supplions le Dieu de miséricorde d’envoyer le Saint-Esprit sur nos offrandes déposées sur l’autel, pour qu’il transforme le pain dans le Corps du Christ et le vin dans le Sang du Christ. Ce qu’a touché le Saint-Esprit est en effet sanctifié et transformé. »
Oui, même si Dieu nous reste parfois incompréhensible, l’Esprit nous le rend proche et nous donne de le « goûter ». Mais – me demanderas-tu – qui est cet Esprit, dont les énergies nous font réaliser cette expérience d’intimité avec Dieu ? En effet, l’Esprit saint, qui « souffle où il veut » et dont on ne sait « ni d’où il vient ni où il va » (Jn 4,8) est comme l’inconnu de la confession de foi des chrétiens… Or l’Évangile révèle que les croyants le connaissent, « parce qu’il demeure auprès d’eux et qu’il est en eux » (voir Jn 14,17). Comment pouvons-nous alors le connaître?
Parler de l’Esprit saint est une entreprise à la limite de l’impossible. Il est le secret de Dieu, la puissance grâce à laquelle Dieu a rempli de sa présence la création. Il ne revendique jamais pour lui-même l’adoration ou la prière : tout son désir est orienté vers le Fils ; il demeure un mystère.
Si les chrétiens ne peuvent donc pas le décrire en lui-même, mais uniquement à travers ses « effets » dans l’histoire du salut et du monde, ils expérimentent pourtant sa présence, car il est « l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs » (Rm 5,5). Que nous en soyons conscients ou non, nous vivons du Saint-Esprit, faute de quoi nous ne serions pas réellement chrétiens, enfants de Dieu. L’Esprit agit de façon intérieure, non dans des phénomènes extraordinaires, mais en introduisant l’« extraordinaire » dans notre quotidien.
L’Esprit saint n’est pas une force impersonnelle de la nature ou immanente à l’homme, mais il est vie donnée. Là où la vie est vraie, et non simple apparence, là est l’Esprit saint. Là où se trouve la liberté parfaite, celle des enfants de Dieu, là se trouve l’Esprit saint. Là où s’ouvre une brèche permettant la communication entre l’humain et Dieu, voilà l’Esprit saint.
Mais, comme le souligne Cyrille de Jérusalem, l’Esprit saint ne demande pas qu’on parle de lui : « L’Esprit saint a lui-même dit à son propre sujet ce qu’il voulait ou tout ce que nous pouvions comprendre. » Inutile dès lors de spéculer à son propos, puisqu’il attend au contraire qu’on l’invoque et qu’on le laisse agir en chacun de nous. Et son efficacité se mesure éminemment dans la liturgie : toujours selon l’enseignement de Cyrille, de même que les dons de l’autel sont rendus saints par le Saint-Esprit, « de même êtes-vous saints, vous aussi, les fidèles, qui avez été dignes du Saint-Esprit. Oui, vous êtes saints, non par nature, mais par participation ! »
Par l’Esprit de Dieu, tu peux devenir saint : à toi de t’y conformer !
Ton ami Enzo