Il Blog di Enzo Bianchi

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​Fondatore della comunità di Bose

Saint Benoît: «Honore ton frère en humanité»

02/07/2011 01:00

ENZO BIANCHI

Riviste 2011,

Saint Benoît: «Honore ton frère en humanité»

Panorama

Panorama,  02 juillet-août 2011

 

di Enzo Bianchi

 

S’honorer mutuellement signifie reconnaître l’autre, lui donner du poids, porter sur lui un regard positif. Lorsque cela se produit, une véritable vie commune peut s’édifier.

Cher Jean,

Nous voilà arrivés à l’été ; mais malgré les vacances, ces semaines ne devraient pas s’écouler dans l’indifférence du calendrier : certaines dates se signalent en effet de façon particulière. Ainsi, le 11 juillet, l’Église célèbre la mémoire de saint Benoît. Tu le sais, je suis moine : je suis donc un lecteur assidu de la Règle de saint Benoît, qui souvent m’inspire pour ma vie quotidienne en communauté. Je voudrais dès lors te présenter aujourd’hui ce Père qui signifie tant pour la vie monastique occidentale, en t’invitant toi aussi à le fréquenter : tu verras qu’il ne parle pas qu’aux moines ou aux moniales, mais que la pratique d’humanité dont témoigne sa Règle peut également te stimuler dans ta propre existence.

En réalité, on sait bien peu de choses de la vie de Benoît, né à Norcia (Nursie), dans le centre de l’Italie, vers 480. Après avoir mené une vie érémitique dans un lieu retiré, il s’établit à Subiaco où une communauté se forme autour de lui. Puis, âgé d’une cinquantaine d’années, il fonde au Mont-Cassin un véritable monastère ; il y mourra vers le milieu du VIe siècle. C’est à l’usage des moines de cette abbaye – laquelle connaîtra un très riche avenir – qu’il élabore sa Règle, qui reste aujourd’hui encore la règle monastique fondamentale, et la plus célèbre, de l’Occident latin.

Cette Règle, qui prévoit une communauté extrêmement organisée et structurée, se distingue toutefois par des traits d’une grande humanité. Je voudrais te rendre attentif à l’un ou l’autre de ces éléments. Par exemple, Benoît demande que l’on adapte partiellement, avec sagesse et discernement, les exigences ascétiques et spirituelles requises des moines aux capacités et à la personnalité de chaque frère. Il souligne aussi que l’obéissance due au supérieur doit également être exercée mutuellement entre moines : une manière non anodine de faire remarquer que chacun a droit au respect de la part des autres…

La Règle de saint Benoît insiste encore sur l’ouverture du monastère au dehors, notamment en vue de l’accueil. Et c’est précisément à l’égard des hôtes qui arrivent que Benoît exige « qu’on leur témoigne beaucoup d’humanité », qu’on leur manifeste ce qui est le propre de l’homme. Oui, c’est en pratiquant l'hospitalité et en accueillant ceux qui apparaissent différents qu’on fait plus que jamais œuvre d'humanisation !

 

Mais cette humanité doit s’appliquer également à l’intérieur du monastère. Ainsi, lorsque Benoît cherche à régler les rapports entre frères différents (jeunes et anciens, intellectuels ou simples…) au sein de la communauté, les directives qu’il donne sont essentiellement orientées vers un but : « que se réalise ce qui est écrit : “Ils se préviendront d’honneurs les uns les autres” ». Voilà ce vers quoi Benoît tend. Cela fonde la pratique d’humanité à laquelle il appelle ses moines à travers la Règle : que les rapports entre frères soient caractérisés par l’honneur que l’on se rend l’un à l’autre.

S’honorer mutuellement signifie reconnaître l’autre, lui donner du poids, porter sur lui un regard positif. Lorsque cela se produit, une véritable vie commune peut s’édifier. Car ce ne sont pas les grands idéaux, les idées excellentes ou les prédications enflammées qui créent la communion entre personnes différentes, mais bien plutôt les attitudes quotidiennes, dans lesquelles les relations que nous entretenons avec les autres leur permettent de se sentir reconnus et honorés pour ce qu’ils sont.

Mais ne pourrait-on pas étendre cette pratique, que Benoît a établie pour ses frères, également au niveau social et politique ? Si nous apprenions à nous honorer les uns les autres, dans nos villes, dans nos pays, la vie quotidienne ensemble n’y gagnerait-elle pas ? Si les chrétiens en donnaient l’exemple, ils seraient capables d’offrir une contribution précieuse pour la construction d’un cité marquée par la justice, la paix, la liberté et la qualité de le vie en commun !

En te souhaitant un bel été,

Ton ami Enzo