Il Blog di Enzo Bianchi

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​Fondatore della comunità di Bose

Les missions prioritaires du prochain pape

17/04/2005 00:00

ENZO BIANCHI

Quotidiani 2005,

Les missions prioritaires du prochain pape

Le Monde

Le Monde (Parigi), 17 aprile 2005

 

di Enzo Bianchi

Élire un nouveau pape signifie, pour les cardinaux, choisir pour évêque de Rome un pasteur qui réponde aux besoins de l’Église et de l’annonce de l’Évangile éternel dans l’histoire des hommes. Chaque pape connaît le poids de l’héritage de son prédécesseur mais est, tout à la fois, appelé à être soi-même, afin d’offrir une continuité au magistère, dans la diversité des charismes personnels. Le prochain successeur de Pierre se trouvera à devoir affronter des défis qui harcèlent l’Église depuis toujours, mais également des défis surgis à des époques plus récentes, et déjà affrontés à Vatican II, et d’autres, enfin, apparemment nouveaux, apparus avec le troisième millénaire. Dans l’Église catholique, toutefois, même les attentes les plus récentes peuvent, pour la plupart, être ramenées à celles engendrées par l’événement du Concile. À quarante ans de sa clôture, cet événement – voulu par Jean XXIII comme occasion d’aggiornamento et de réforme de l’Église – attend toujours d’être appliqué de manière adéquate. Ce n’est pas un hasard si Jean-Paul II, dans son testament, après avoir réaffirmé sa gratitude pour « le grand don du Concile », le remet comme héritage précieux « à ceux qui sont et seront à l’avenir appelés à le réaliser ».

 

En vertu de ce legs notamment, je considère que le prochain pape aura pour tâche prioritaire de poursuivre l’application du Concile Vatican II, et de réfuter aussi tout doute quant à son autorité : on ne peut cacher en effet qu’il y a eu, et que sont toujours possibles, des tentatives de diminution de la portée du Concile, à travers une herméneutique restrictive qui tend à ralentir le renouvellement de l’Église.

 

Quelles sont alors les exigences prioritaires découlant de la dynamique de Vatican II ? Le prochain pape devra posséder d’abord un authentique « sens de l’Église » : être capable de reconnaître la nature de l’Église universelle dans une communion d’Églises locales, présidée chacune par son propre évêque, dans une logique de communion plurielle et dans une symphonie des charismes. La synodalité, le fait de « cheminer ensemble », de la part de toutes les composantes du corps ecclésial, doit devenir la forme essentielle de l’Église : la grâce des « mouvements » et des « nouvelles communautés » qui s’est manifestée ces dernières décennies exige d’être insérée dans l’Église locale, pour ne pas créer d’Églises parallèles autoréférentielles, voire tentées de sectarisme ou de concurrence.

 

Si l’on parvient à encourager toute l’Église sur ce chemin, on réussira aussi à trouver d’efficaces instruments de communion, des modalités différentes pour vivre le synode des évêques, ou peut-être même un nouvel organe permanent de collégialité, capable d’exprimer la communion des Églises locales et du collège épiscopal, ayant « in medio » le successeur de l’apôtre Pierre. On soulignerait ainsi le véritable primat de l’évêque de Rome, tandis que le collège épiscopal – qui, sous la présidence du pape est sujet de la pleine autorité sur l’Église – pourrait déployer son mandat d’harmonisation de l’Église dans l’unité et dans la charité. N’oublions pas l’appel lancé par Jean-Paul II dans l’encyclique Ut unum sint pour une réflexion partagée sur la réforme du mode d’exercice du ministère pétrinien ! C’est ici aussi que se situe le véritable nœud « œcuménique » : si l’on ne le dénoue pas, on parviendra certes à une collaboration entre Églises sur les sujets concernant le service à rendre aux hommes, mais pas à la communion visible entre elles.

 

Une autre exigence est l’attention aux pauvres et l’appel à la paix, étroitement liée au service que l’Église prête aux victimes du pouvoir, de l’économie, de l’oppression, de la violence, de l’injustice. Jean-Paul II a empêché le « choc des civilisations » de deux manières : avant tout par son magistère en faveur de la paix, qui a retenti avec force lors des deux guerres en Irak, mais aussi à travers l’infatigable cri en faveur des pauvres et de ceux dont les droits sont bafoués. C’est ici un enjeu on ne peut plus sensible pour l’Église appelée à rencontrer les autres religions, et en premier lieu l’islam, toujours plus présent dans les terres d’ancienne chrétienté : la confrontation entre les pays musulmans et l’Occident, tout comme l’émergence de l’Inde ou de la Chine exigeront toujours davantage de l’Église non seulement qu’elle renonce à céder à la tentation des oppositions ou des guerres au nom de Dieu, mais qu’elle sache se distinguer de l’Occident riche et fort de son hégémonie politique et militaire.

 

Enfin, impossible d’éluder le thème de l’éthique chrétienne, surtout la question anthropologique et celle de la morale sexuelle : avec les implications complexes de la bioéthique, elles constituent, en Occident tout d’abord, les frontières les plus chaudes aujourd’hui. Dans ces domaines, l’Église ne pourra pas changer son orientation, en cohérence avec la tradition et l’Évangile, mais elle devra également savoir obéir en profondeur à son Seigneur, en se montrant ministre de miséricorde. Non, alors, au fondamentalisme moral, mais place à une annonce de la vérité qui soit capable de faire resplendir la grandeur et la dignité de l’être humain dans sa fragilité, dans sa faiblesse, mais également dans sa vocation à manifester qu’il est image et ressemblance de Dieu. Chrétiens et non chrétiens, nous avons tous besoin d’une Église miséricordieuse selon l’Évangile : une communauté de croyants qui n’oublie pas que le Seigneur « viendra juger les vivants et les morts », mais qui sache annoncer avec crédibilité le pardon offert par Dieu à l’humanité. De cette communauté, le pape est le pasteur.